jeudi 30 octobre 2008

"LE MILIEU DE LA MER"
Le point exact entre deux rives... nulle part... point de non retour... malaise...
derrière, l'horizon est fermé, devant il ne s'ouvrira peut être pas.
LE MILIEU DE LA MER c'est le titre du roman qui vient de paraître aux éditions L'Harmattan
Ce travail d'écriture m'a tenu éloigné de mon blog pendant longtemps (avril).

Me voilà de nouveau qui m'immisce dans le brouhaha de la jungle silencieuse, de la nébuloïde mer de toile.
Oxymores approximatifs, lourde grandiloquence et métaphores osées sont les puissants soutiens, la gaule solide et souple d'où jaillira mon fil sans hameçon ni leurre qui s'en ira plonger là où se pêche le hasard .

Bon,apres ces ellucubrations, j'ai le plaisir de vous presenter mon livre,couvertures extraits et dessins(trés peu,mais je pourrais en mettre d'autres,si on le demande.


De Hussein-Dey à Belcourt
Alger 1954

A la fin de la conversation, ils sont arrivés dans l’allée des Mûriers, à l’entrée du souk [….]devant les amoncellements dorés de gâteaux au miel de la minuscule boutique de Taîeb le pâtissier. […] Taîeb, occupé à attiser le feu sous les marmites de miel, découvre soudain les deux cagayous complètement babas, la bouche ouverte, les yeux écarquillés. Taîeb s’approche en souriant, essuyant ses mains à son tablier empesé de graisse et de sucre.

- Alors, les jeunes, ça va la vie pour vous ? Comme d’habitude, un z’labhia pour l’indigène et un makrout pour le roumi... Disant cela, et comme à chaque fois, il part d’un grand rire qui fait se retourner les passants.
-Vous, vous êtes de vrais amis, je le sais, l’indigène et le roumi,
comme je dis […], vous êtes amis et c’est bien pour ce pays. Moi, je suis vieux ; vous, vous êtes jeunes et sans péchés, qu’Allah soit sur vous ! Toi et toi, vous êtes le sel de la terre et l’eau du ciel... Je suis vieux, un jour, je serai mort avant de vous voir des hommes, mais j’espère que vous serez pour toujours des amis... Toi le musulman, ton père et son père, et le père de son père avant lui, sont de ce pays, tu es la terre ; toi le roumi, ton père est venu d’ailleurs, ou bien le père de ton père, ça fait rien, toi tu es d’ici... Si tes intentions sont pures, tu n’es pas un étranger, on n’est pas étranger à la terre quand elle nous nourrit, et quand on la nourrit... Juste, des fois, on est un étranger pour soi-même, on peut pas se reconnaître si on reconnaît pas les autres, on comprend plus rien, macache, alors on tombe dans le malheur et la terre elle boit le malheur et elle aussi elle est malade... Mais vous, vous êtes la main et la main, le coeur et le coeur, et avec le coeur et la main, vous ferez ce pays, et avec la tête aussi ; il faut la tête pour penser droit.
Toi, mon fils, tu es algérien, dit-il à Jean, puisque ton frère est algérien...

Inch Allah ! Rappelez-vous ce que dit le vieux Taîeb ! Allez, yallah...Fichez le camp, laissez-moi travailler
La voilà, elle approche.
Le coeur de Jean est en arrêt imminent.
Elle est là, le regard loin devant ; elle porte aujourd’hui une robe à grandes fleurs rouges un peu délavée, ses cheveux frisés sont tirés en arrière, comme une vague de reflets d’or rouge. Jean, paralysé, voit les deux immenses taches noires de ses yeux passer et disparaître. Il lui a semblé qu’ils souriaient.
Et voilà, elle était si près, l’odeur piment du henné frappe soudain Jean en pleine bouche ; Malika vient d’envahir l’imbécile tétanisé, il croit s’évanouir, il n’a rien dit, il la regarde s’éloigner, elle est presque au coin, elle ralentit, elle va bientôt glisser dans la rue Victor Hugo.

Expédition